Adoption internationale et kafala

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Bonjour,

Nous sommes avec ma femme en recherche d'une adoption internationale. En effet, nous avons l'agrément français d'adoptant, mais en France le temps d'attente moyen pour adopter un enfant est de 6 ans.
Ma femme ayant eu des enfants d'un premier mariage et depuis un accident de santé, nous nous sommes donc naturellement tournés vers l'adoption internationale. Par contre, nous essayons de faire une adoption par nos propres moyens puisque nous n'avons pas les moyens de payer grassement une association internationale qui se chargerait des dossiers à notre place. Nous sommes plein de bonne volonté pour faire le nécessaire et rendre un enfant heureux.

Enfin voilà donc 6 mois que nous nous renseignons sur les pays n'ayant pas encore ratifié la convention de LA HAYE et chaque fois nous nous trouvons confronté au même problème. Le pays de l'adopté est un pays islamiste où l'adoption n'est pas acceptée sauf sous la forme de la "kafala".

Cependant, en creusant un peu nous nous rendons compte que par exemple au Maroc il existe des orphelinats qui n'attendent que des adoptants pour leur enfants, et qui du coup pourrait ne plus être sous le régime de la kafala puisque sans parents... Et là, il semblerait que ce soit la France qui bloque la transformation d'une kafala en adoption simple ou plénière... Nous savons aussi, qu'en France depuis quelques temps et face aux demandes, certains tribunaux commencent à accepter la kafala (dans ces conditions) et de les transformer en adoption...

Ma question est : avez vous des éléments plus précis sur la prise en compte de la kafala en adoption ?
Pouvons nous nous lancer dans la procédure, même si nous devons nous battre, pour que cette kafala soit convertie en adoption ?

Merci par avance de vos réponse

STF

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amajuris Modérateur

bjr,

Article 370-3
Créé par Loi n°2001-111 du 6 février 2001 - art. 1 JORF 8 février 2001

Les conditions de l'adoption sont soumises à la loi nationale de l'adoptant ou, en cas d'adoption par deux époux, par la loi qui régit les effets de leur union. L'adoption ne peut toutefois être prononcée si la loi nationale de l'un et l'autre époux la prohibe.

L'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France.

Quelle que soit la loi applicable, l'adoption requiert le consentement du représentant légal de l'enfant. Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l'enfant et éclairé sur les conséquences de l'adoption, en particulier, s'il est donné en vue d'une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant.

les pays de religion musulmane prohibent l'adoption

à ma connaissance et selon une jurisprudence constante la kafala n'est pas reconnue par les juridictions françaises comme étant équivalente à l'adoption simple ou plénière. vous pouvez consulter sur légifrance des arrêts relatifs à la kafala.
cdt

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Il n'y a que la kafala judiciaire qui peut être reconnue en France.
Est-ce que vous êtes de nationalité marocaine ? êtes-vous musulman ?

Il existe en France des enfants adoptables, rendre un enfant heureux ne veut pas dire, forcément, adopter un bébé. Avez-vous fait la demande pour adopter un enfant plus agé ?

Avec l'adoption internationale, il faut de l'argent (certains pays exigent qu'au moins un des deux parents passent plusieurs mois dans le pays. Ma voisine a du passer 18 mois au Viet-nam en deux fois. ils ont adopté l'enfant à sa naissance et il avait 1 an quand elle a réussi à le ramener en France), on ne peut sortir de ça.

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Bonjour,

je me permets d'intervenir même si je n'ai aucune formation légale, mais je suis bénéficiaire d'une Kafala et donc je connais bien la démarche au moins du côté Marocain. Pour bénéficier d'une kafala il faut effectivement déclarer d'être musulman - quelque soit votre nationalité ou pays d'origine - ce qui peut se faire au Maroc.

Par contre, d'après les indications qui m'avaient été donné par le Consulat de France à Casablanca, où je vis en partie, si vous arrivez avec un agrément Française (ce qui n'était pas mon cas et donc ils n'ont rien voulu savoir), vous pouvez demander un visa long séjour pour votre enfant, ce qui vous permettra de rentrer avec lui en France. Une fois en France, vous aurez un statut de "tutuer légal" qui, dans un premier temps, vous permettra de vivre avec votre enfant.

Il est donc vrai qu'une Kefala ne donne pas droit à l'adoption de l'enfant en France.

Cependant, il est aussi vrai qu'en tant que tuteur légal d'un enfant, et lorsque celui ci vit en France avec ses tuteurs, vous pourrez à un moment donné en demander l'adoption. Il faudra entamer de longues démarches pour faire valoir son adoption, qui comporte entre autre le fait de vivre en France pendant un certain nombre d'années. Les démarches sont frustrantes et prennent plusieurs années, mais avec de la persévérance et patience cela reste possible, et entre temps vous avez votre enfant avec vous.

Pour ce qui est des temps, il y a beaucoup d'étrangers qui viennent au Maroc adopter, et qui emmenent leurs enfants dans leurs pays. Il n'est pas nécessaire de passer par un organisme privé pour adopter, et il n'est pas non plus nécessaires de passer des temps infinis au Maroc (plusieurs visites et peut-être un séjour de 3-4 mois consécutifs mais c'est rarement plus). Il y a deux types d'enfants disponibles à la Kafala : ceux qui ont déjà été déclaré comme étant "abandonné" par le juge (ils sont le plus souvent de parents inconnus), et ceux qui sont "en attente d'abandon" et qui sont le plus souvent de parents connus et n'ont pas été totalement abandonné par leur parent(s). Autant que possible il vaut mieux demander à adopter un enfant qui a déjà été jugé comme abandonné, car ainsi personne ne pourra venir vous le réclamer par la suite... et aussi, cela élimine les 3 mois d'attente qui s'applique aux autres enfants dont le statut n'a pas été clarifié juridiquement.

Le mieux c'est de vous renseigner auprès d'organisme de défense de la Kafala (vous en trouverez sur l'internet) mais à priori, avec l'agrément en main vous avez déjà un bon point de départ. Il y a l'orphélinat de Meknes qui, parait il fonctionne bien. Idem pour Tanger, certains de Casablanca et Marrakech. N'hésitez pas à venir sur place pour vous renseigner.

Bon chance, et surtout ne vous laissez pas décourager!!!

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Cependant, il est aussi vrai qu'en tant que tuteur légal d'un enfant, et lorsque celui ci vit en France avec ses tuteurs, vous pourrez à un moment donné en demander l'adoption.
non, ce n'est plus possible. On ne peut adopter un enfant dont la loi personnelle interdit l'adoption que si l'enfant est né en France.

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Je regrette, mais selon certain cas de figures c'est possible. Je connais des personnes qui l'ont fait. Aussi, dès lors que l'enfant vit en France depuis au moins 5 ans, en tant que mineur, il a droit à demander la nationalité française, indépendamment de son statut adoptif.

Il y a bien des familles en France qui on réussi à faire adopter leur enfant, en France; enfant qui venait de pays musulmans.

C'est long, c'est frustrant, c'est fatiguant, mais ce n'est PAS IMPOSSIBLE.

Comme j'ai dis auparavant, le mieux serait que le demander se renseigne auprès des associations de défense de la Kafala....

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amajuris Modérateur

bjr,
la loi française est claire on ne peut adopter un enfant si la loi personnelle de celui-ci la prohibe.

alice68 dit que cela n'est pas impossible mais à mon avis sans doute en fraudant quelque peu la législation française.
cdt

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juste une question dans ce cas :

- les enfants qui rentrent légalement en France avec leurs tuteurs (et je dis bien LEGALEMENT), et qui après un certain nombre d'années sur le territoire française bénéficient de la nationalité française, quelle est alors la loi "personnelle" qui s'applique? celle de sa nationalité Française (supposant qu'elle acquise), ou celle de son pays d'origine? Il y a t il des français de premier et deuxième catégorie selon le moyen par lequel ils sont devenus français?

Dès lors qu'un enfant est sujet à une Kefala, même vivant en France, il ne peut octroyer la nationalité française de par sa Kefala. Mais il y a en France un droit de protection du mineur : est-ce réservé seulement à certains cas de figure????

Je veux bien que je me trompe, et ainsi j'apprendrais quelque chose de nouveau et c'est bien. Mais j'aimerai vraiment comprendre, car si c'est le cas, et étant donné qu'il y a des familles en France qui on réussi à faire avoir la nationalité à leurs enfants originairement issues d'une Kefala, soit ils ont tous fraudé, soit il y a une entrée quelque part...

La encore, je pense que les personnes concernées par cette question feraient mieux de s'adresser à des associations de soutien de la Kefala en France ; ils doivent connaître toutes les possibilités que moi sûrement je ne connais pas, mais je ne suis pas certaine non plus que tout le monde ici connait (cela me semble très complexe est spécialisé).

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amajuris Modérateur

alice68 écrit:

" - les enfants qui rentrent légalement en France avec leurs tuteurs (et je dis bien LEGALEMENT), et qui après un certain nombre d'années sur le territoire française bénéficient de la nationalité française".

à quel titre acquierent-ils la nationalité française ?

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La loi française a changé en 2001, vous avez, peut-être, connaissance de cas, avant 2001.

Une association : http://www.apaerk.org/kafala.php
"La loi française n° 2001-111 du 6 février 2001 - relative aux conflits de lois dans l'adoption internationale - a intégré dans le code civil cette interprétation de la sourate 33 (interprétation qu'on ne trouve pas, par exemple, en Tunisie ou encore en Iran) : l'adoption d'un mineur étranger ne pouvant désormais plus être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution."

Vous dites aussi qu'il est facile de faire venir une enfant sous Kafala en France, or, ce n'est que depuis le 14 février 2010, que le Conseil d'état a autorisé ça, dans des circonstances exceptionnelles (l'enfant de 6 ans réduite à la mendicité en Algérie). C'était une première en France :
http://www.apaerk.org/fichiers/actu/FRANCE_TF1_NEWS_5_11_2010.pdf

Il se trouve surtout, que pas mal de gens ont fait entrer en France, des enfants recueillis sous Kafala, en produisant un faux acte de naissance les désignant comme parent.

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amajuris Modérateur

bjr,
pour confirmer que la kafala n'est pas l'adoption vous trouverez ci-dessous un arrêt très récent de la cour de cassation du 15 décembre 2010 qui confirme une jurisprudence constante. l'attendu cite les articles du code de famille algérien en particulier son article 116 qui définit la kafala.

un commentaire de cet arrêt figure dans la semaine juridique en date du 14 mars 2011.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :

Attendu que les époux X... ont recueilli, par acte de kafala, un enfant algérien, né le 5 janvier 2005, sans filiation connue ; qu'ils ont été autorisés, par ordonnance du président du tribunal de Batna, à lui donner leur nom ; qu'ils ont formé, le 9 février 2007, une requête en adoption plénière et, subsidiairement, en adoption simple de cet enfant ;

Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt attaqué (Chambéry, 18 novembre 2008) d'avoir rejeté leur requête, alors, selon le moyen :

1°/ que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'en refusant le bénéfice d'une adoption plénière ou simple à une enfant algérienne abandonnée, recueillie à titre définitif en France par des français en vertu d'une décision de kafala, la cour d'appel a violé l'article 3-1 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 ;

2°/ que l'adoption constitue, pour une enfant abandonnée recueillie en France par un couple d'époux français, le meilleur moyen de l'intégrer à une famille ; qu'en refusant l'adoption plénière ou simple de la petite Neïla par les époux X... au motif que la kafala respecte aussi l'intérêt de l'enfant à bénéficier d'une famille, les juges d'appel ont violé les articles 3-1 et 20 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 ;

3°/ que l'enfant abandonné et la famille qui l'a recueilli ont droit à une vie familiale normale ; qu'en refusant, sur le fondement des dispositions de l'article 370-3, alinéa 2, du code civil, de prononcer l'adoption plénière ou simple de l'enfant Neïla par les époux X..., la cour d'appel a violé les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

4°/ que le texte qui empêche un enfant abandonné dans son pays d'origine, qui a vécu depuis son plus jeune âge sur le territoire français, d'être adopté par un couple français qui l'a recueilli, au motif que le statut personnel de l'enfant prohibe l'adoption, a pour effet d'établir une discrimination entre enfants , dès lors que les enfants nés dans des pays ne prohibant pas un telle institution peuvent être adoptés en France ; qu'en refusant , sur le fondement des dispositions de l'article 370-3, alinéa 2, du code civil, l'adoption plénière ou simple de l'enfant Neïla par les époux X..., les juges d'appel ont violé les stipulations des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la règle de conflit de l'article 370-3, alinéa 2, du code civil renvoyant à la loi personnelle de l'adopté, était la traduction, en droit interne, des règles édictées par la convention de la Haye du 29 mai 1993 relative à la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale qui dispose, notamment dans son article 4 a), que l'adoption ne peut être prononcée que si l'enfant est adoptable, c'est sans méconnaître son intérêt primordial, ni établir de différence de traitement au regard de sa vie familiale, ni compromettre son intégration dans une famille, que l'arrêt, constatant que l'article 46 du code de la famille algérien interdit l'adoption, tandis que l'article 116 de ce même code définit la kafala comme l'engagement bénévole de prendre en charge l'entretien, l'éducation et la protection de l'enfant comme le ferait un père pour son fils, a rejeté la requête en adoption, dès lors que la kafala, expressément reconnue par l'article 20, alinéa 3, de la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, préserve son intérêt supérieur; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les époux X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille dix.

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Je préfère avouer que ce n'était pas la réponse que j'attendais, mais là la référence à cette arrêt est sans appel malheureusement.
Je vous remercie d'avoir pris le temps de me répondre avec des éléments précis et motivé.
Je reste persuadé qu'en France, ne pas pouvoir avoir d'enfant est une double peine... Car la difficulté d'adoption est trop grande pour des gens qui sont déjà galère d'avoir des enfants... Et à coté de ça, d'autres font des enfants pour les faire souffrir ... C'est injuste !

Cordialement