Contester une prestation compensatoire

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Bonjour,

J’aimerai connaître votre avis au sujet d’un point particulier relatif à l’article 270 du Code civil. Selon cet article, la disparité doit nécessairement être consécutive à la rupture du mariage (« … que la rupture du mariage crée… » et pas à une autre cause …
La logique nous apprend en effet tous les jours que ce n’est pas parce que 2 évènements ont lieu en même temps qu’ils sont forcément liés. Il en va de même pour la disparité et la rupture du mariage. Après tout, ce peut n’être qu’une simple coïncidence et, si j’ai bien compris l’un des principes du droit, il appartient au demandeur de faire la preuve de ce lien de cause à effet.

J’ai ainsi pu lire récemment lu dans la presse juridique que les juges pouvaient estimer que la disparité était dûe non pas au divorce mais aux choix personnels des époux concernant leurs professions. Il parait en effet logique que si X… gagne plus que Y…, c’est d’abord et avant tout parce qu’ils n’ont pas les mêmes activités professionnelles …
Et la cour de cassation a confirmé ce point de vue en 2007 en disant que la disparité des situations économiques constatée le jour du jugement n’était pas due à la rupture du mariage mais au fait que chacun des époux exerce une profession différente avec donc des revenus forts différents (cour cassation, 06 mars 2007, pourvoi n° 06-10055).

Je n’ai pas vu souvent une telle logique dans les propos des chroniqueurs judiciaires et surtout des magistrats…

Qu’en pensez-vous ?

Merci d’avance de votre avis éclairé. Dernière modification : 21/12/2008

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Bonjour Apprenti,

L'arrêt que vous citez est un arrêt d'espèce non publié. Tout ce que je vous ai expliqué au sujet du précedant arrêt s'applique également.

Plus spécifiquement, concernant cet arrêt, la seule chose certaine est que la question de la disparité est une question de fait qui est donc de la compétence des juges du fond. La Cour de cassation ne dit pas plus. Elle se contente de dire que la Cour d'appel a fait usage de son pouvoir souverain en la matière.

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bonsoir, excellente réponse de ravenhs, pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond, c'est souvent le cas en matère de divorce, Cour de Cassation juge du Droit uniquement, bonne soirée

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Bonjour Ravenhs,

Tout d’abord merci beaucoup de votre dernière réponse. Me permettez-vous de rebondir sur les dernières lignes que vous avez écrites ?

J’ai en effet trouvé un autre arrêt de la cour de cassation qui, cette fois, me paraît clairement poser le principe qu’une disparité consécutive à un choix de vie personnel n’ouvre pas droit à une prestation compensatoire. Cet arrêt (Cour cass, 1° ch. Civ., 06 mars 2007, arrêt n° 06-11364) estime en effet qu’un époux qui n’a pas suffisamment travaillé (par choix personnel) durant le mariage n’a pas droit à une prestation compensatoire.

Cela vient, me semble-t-il contredire le principe que vous m’aviez précédemment expliqué à propos de l’art 270 et selon lequel les juges n’ont pas à rechercher la cause de la disparité.

Auriez-vous l’amabilité de me faire part de votre point de vue sur cet arrêt ?


Si je peux me permettre de prolonger une autre question, le corollaire de l’expression « doit être postérieure » n’est-il pas « ne peut être antérieure » ?
Je parle bien entendu du moment de création de la disparité par rapport à la rupture du lien du mariage. Pour les amis mathématiciens et grammairiens à qui j’en ai parlé, un corollaire ne constitue pas une condition supplémentaire à une assertion mais seulement une autre façon de l’exprimer : un corollaire n’ajoute aucune information (et donc aucune condition).

Encore une fois, merci beaucoup par avance de vos avis …

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Bonsoir Apprenti,

Concernant l'arrêt que vous citez, c'est la même chose que les précédants arrêts.
C'est un arrêt non publié au bulletin, un simple arrêt d'espèce.

La Cour de cassation se contente de regarder si le texte est bien appliqué, elle précise " Mais attendu que l'un des époux ne peut être tenu de verser à l'autre une prestation compensatoire que si la disparité dans leurs conditions de vie respectives est créée par la rupture du mariage ".

Ensuite, pour savoir si, en l'espèce, il y a ou non disparité elle s'en remet à l'appréciation souveraine des juges du fond : " que la cour d'appel [...],a souverainement estimé que la disparité dans les conditions de vie respectives des époux n'était pas due à la rupture du lien conjugal mais à des choix personnels [...]".

En d'autres termes, la seule chose que la Cour de cassation dit c'est que s'il n'y a pas de disparité, il n'y a pas de prestation compensatoire. En l'espèce la Cour de cassation vérifie qu'il y a une disparité constatée par la Cour d'appel ( mais ne donne pas son avis sur cette question de fait ) et que donc aucune prestation compensatoire n'est due; ce qui est conforme au texte.



Toutefois, le raisonnement tenu par la Cour d'appel contredit en effet ce que je vous avais indiqué précédemment. S'agissant d'une question de fait, les solutions dégagés par les juges du fonds peuvent être hétéroclites. On peut trouver des solutions dans les 2 sens et mon avis personnel est que la solution dégagée en l'espèce appartient plutôt à un courant minoritaire.



Concernant votre dernier paragraphe, il faut avoir conscience qu'un texte peut toujours avoir plusieurs interprétations possibles. D'où le rôle unificateur du droit de la Cour de cassation.
En droit, il existe plusieurs types d'interprétations possibles qui sont tour à tour utilisées par la Cour de cassation. Il existe l'interprétation littérale, l'interprétation a contrario, l'interprétation par analogie, l'interprétation téléologique ( esprit de la loi).

En parlant de corrolaire, vous faites en réalité une interprétation a contrario du texte. C'est un mode d'interprétation comme un autre, ce n'est pas le plus fréquent car par principe les textes sont interprétés de manière littérale mais après tout vous pouvez le soutenir.

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Bonjour Ravenhs,

C’est toujours avec beaucoup de gratitude que je prends connaissance de vos avis quant aux questions que je me pose. Merci donc d’avoir, une nouvelle fois, pris le temps de me répondre.

Merci de m'avoir fait connaître ce qu'est une interprétatiuon a contrario. C'est très intéressant.

Dans l’un de nos précédents échanges, je vous avais demandé comment prouver la disparité. Vous m’avez longuement et fort courtoisement répondu mais, en fait, j’avais mal formulé ma question. Ce que je sous-entendais, c’était plutôt : à qui revient la charge de la preuve du lien de cause à effet entre la disparité et la rupture du lien du mariage ? Et non pas comment prouver la disparité …
Comme l’art 270 pose le principe que la disparité doit être consécutive au divorce (« … que la rupture du mariage crée … »), je ne pense pas dire de bêtise en énonçant que c’est le divorce qui doit créer la disparité. Et une fois que l’existence des 2 évènements est acquise (la rupture et la disparité), il reste donc à s’assurer que la disparité est bien la conséquence de la rupture et pas d'un autre évènement intercurrent n'ayant rien à voir avec le divorce. Sur ce dernier point, il me paraît normal que c’est au demandeur qu’incombe la charge de la preuve (à condition, bien entendu, que le défendeur la demande …).
Ca me parait tellement évident que je ne comprends pas que ce point soit finalement si peu évoqué (et invoqué) dans les articles que j’ai pu lire sur les procédures de divorce.

Vous m’aviez confirmé que l’article 1315 alinéa 1 du code civil pose le principe que c’est bien le demandeur qui doit faire la preuve de ses prétentions. Et vous m’aviez cité le type de preuves que le juge peut admettre pour consacrer l’existence d’une disparité.

OK pour consacrer l’existence de la disparité. Mais une fois ce point acquis, comment le juge peut-il être certain que la disparité dont il vient de consacrer l’existence est bien due au divorce et pas à un autre évènement intercurrent ? Il ne peut tout de même pas se contenter de dire que la concomitance des 2 évènements suffit à établir entre eux un lien certain de cause à effet !
Car, précisément, ce n’est pas parce que 2 évènements sont concomitants qu’ils sont forcément liés par un lien de cause à effet …. Ce n’est qu’une possibilité : ils sont peut-être liés comme ils ne le sont peut-être pas. Et, à mon sens, le juge ne peut se prononcer que s’il dispose des éléments de preuve fournis par le demandeur …
Donc, au défenseur de penser à en demander la fourniture au demandeur ?

La vie courante est tellement pleine d'évènements concomittants n'ayant finalement rien à voir entre eux. Ainsi, si le feu tricolore passe au rouge et qu’en même temps ma montre s’arrête, je n’ai pas le droit d’en déduire que c’est le feu rouge qui a arrêté ma montre....

Encore une fois, ne m’en veuillez pas d’être aussi pointilleux mais les mots ont un sens et j’aime comprendre. Et les magistrats parlent la même langue que les justiciables. Aussi, lorsque quelque chose me paraît arbitraire ou illogique, je préfère faire part de mes interrogations plutôt que de rester bêtement dans mon coin …merci en tout cas de votre compréhension.

Je vous souhaite, selon le cas, une bonne soirée ou une bonne journée,

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Bonjour Apprenti,

Rassurez-vous je comprends votre démarche. Celle de chercher réellement à comprendre, et de confronter vos idées. Si je peux vous donner un petit coup de pouce de ce côté là, c'est avec plaisir.
Le problème du droit est justement qu'il est a priori assez intuitif pour peu qu'on s'interesse et qu'on recherche les textes puisque ceux-ci sont écrits en français. En réalité, il fait appel à des notions et à une façon de penser qui ne va pas nécessairement de soi.
La question de la charge de la preuve en offre une nouvelle illustration.


L'article 1315 alinéa 1 dans sa rédaction actuelle rend compte imparfaitement de l'administration de la preuve devant les juridictions. Pour bien comprendre, il faut que je vous explique une théorie doctrinale qui correspond plus à la pratique judiciaire. Je vais tenter de rendre mon propos le moins obscure possible, sans pour autant le rendre faux, mais il faut avoir conscience qu'en matière de charge de la preuve tout est dans la nuance.

Cette théorie est la suivante : plutôt que de parler de "charge de la preuve", il faut parler de "risque de la preuve".
Le risque de la preuve pèse sur le demandeur. Cela signifie que s'il existe un doute irréductible sur un fait, le juge déboutera le demandeur.

Cela à plusieurs conséquences. D'une part, cela impose au défendeur de tenter lui-même d'apporter la preuve contraire car ce n'est qu'en cas de doute irréductible sur un fait que le juge déboutera le demandeur ( cela correspond plus à la réalité puisqu'à lire le texte on peut penser que le défendeur peut rester totalement passif en attendant que le demandeur prouve le fait, ce qui ne se produit pas en pratique ).
D'autre part, couplée à l'interprétation souveraine des juges du fond, cela a pour conséquence que le juge peut très bien se contenter de constater une concomitance pour dire qu'en l'espèce il y a bien un lien de causalité. Le juge "peut", mais il n'est pas obligé de se contenter de si peu.
J'ai bien compris votre argumentation sur ce point, il vous faudra convaincre le juge.


Tout est dans la nuance. A mon sens, le juge peut se contenter d'une simple concomittance pour constater le lien de causalité s'il n a pas de doute irréductible sur cette question (pouvoir souverain d'appréciation ). Mais la limite à ne pas franchir pour lui est de ne pas accepter de reconnaître le lien de causalité au prétexte que vous n'apportez pas la preuve de l'abscence de lien de causalité. Car dans ce cas, il opèrerait un renversement de la charge de la preuve, ce qui violerait l'article 1315 alinéa 1 du Code civil.


Le juge peut à mon sens se contenter de peu pour constater le lien de causalité.
Dans le cadre d'une argumentation partisane, je soutiendrai que se contenter d'une simple concomittance pour accepter la preuve du lien de causalité, cela revient à ouvrir tellement largement la preuve du lien de causalité qu'en définitive cela met dans tous les cas le défendeur dans l'obligation de prouver l'abscence de lien de causalité au risque de voir le demandeur triompher dans ses prétentions. Cela conduit, de fait, à opérer un renversement de la charge de la preuve ce qui est contraire à l'article 1315 alinéa 1 du code civil.

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Bonjour Ravenhs,

Que dire après votre dernière réponse sinon que je suis toujours aussi épaté de votre connaissance du droit et surtout des efforts que vous faites pour mettre vos connaissances à la portée du justiciable de base … Vos commentaires sont particulièrement didactiques et agréables à lire. J’apprends beaucoup à vous lire. Encore merci.

Si mes questions un peu basiques et mon côté pinailleur n’ont pas encore lassé votre patience, me permettez de poursuivre encore un peu plus loin mes interrogations ?

D’abord, d’une façon générale, le béotien que je suis est toujours étonné de voir que la pratique judiciaire actuelle fait une lecture littérale et très restrictive de certains articles (article 270 par exemple) alors que pour d’autres elle paraît beaucoup moins littérale voire même parfois alambiquée (article 1315 par exemple).
C’est ce genre décalage que le justiciable de base comprend mal (et donc admet mal, l’un allant avec l’autre).

Dans la même veine de décalage, le citoyen de base est toujours étonné que 2 juges puissent avoir une interprétation différente d’un même texte. Cela donne la désagréable impression que c’est la sensibilité du magistrat qui s’exprime au travers de ses décisions …et pas le législateur. Et, pour le justiciable lambda, cela peut ressembler à un manque d’objectivité en fonction des convictions de chaque magistrat. Vous-même avez utilisé l’expression de « courants minoritaires » dans la façon d’interpréter tel ou tel article…. Bref, le justiciable a l’impression que tous les citoyens ne sont pas logés à la même enseigne selon qu’ils sont jugés ici ou là, par X.. ou par Y…
Il est vrai que les sciences humaines ne sont pas exactes et que les jugements ne manquent jamais de faire référence à la fameuse « appréciation souveraine » …mais quand même ...


Je souhaitais également vous entretenir de l’article 271 dont la première phrase énonce que « La prestation compensatoire est fixée en fonction des besoins de l’époux à qui elle est versée …. ».

Cette formulation m’inspire la question-réflexion suivante : il est donc nécessaire que le demandeur fasse état de des besoins qui justifient l’attribution d’une prestation et donc qu’il les prouve. Par besoins, j’entends non seulement les dépenses courantes déjà listées lors de la non-conciliation mais aussi et surtout les éléments prévisibles dans un avenir proche (projet de logement, véhicule à changer, changement de cadre de vie, etc …). Là encore, sur quels éléments de preuve le juge va-t-il s’appuyer pour s’assurer que le demandeur a suffisamment fait la preuve qu’il a réellement besoin d’une prestation compensatoire ? Car si la loi dit qu’un époux « peut recevoir » une prestation, elle ne dit pas « doit recevoir »….S’il n’y a pas d’obligation, c’est donc qu’il faut prouver que l’on en a vraiment besoin…
Je ne pense pas que la seule « déclaration sur l’honneur des ressources » fournie par les deux parties puisse suffire. D’autant que, comme son nom l’indique, elle ne concerne que les ressources, pas les besoins.
Pensez-vous que la non-justification des besoins soit un élément suffisamment « opérant » (si j’ai bien saisi le sens qu’il faut donner à cet adjectif que vous m’avez fait découvrir…) pour contester valablement l’attribution d’une prestation compensatoire, que ce soit devant les juges du fond ou les juges de la cour de cassation ?
(étant entendu que le défenseur en a demandé la justification dans ses conclusions …)

De la même façon, le juge n’est pas le père Noël à qui on envoie sa liste de cadeaux … je pense que le défenseur est en droit d’exiger que le demandeur justifie le montant de la prestation demandée : pourquoi autant d'argent ? à quoi va-t-il servir ? ( ... puisque l'article 271 ne prévoit d'attribuer une prestation qu'en fonction des besoins du demandeur, encore faut-il que ceux-ci soient exprimés car sans expression de besoins, pas de nécessité de prestation !) ainsi que le mode de calcul utilisé par le demandeur pour évaluer sa prestation ou encore que le demandeur cite les éventuelles jurisprudences sur lesquelles il s’appuie. Là encore, pensez-vous qu’il s’agisse d’un argument opérant ?


Je termine en vous renouvelant mes remerciements d’avoir bien voulu me lire jusqu’ici et d’avoir supporté mes approximations et mes pinaillages. Un grand merci donc. ET par avance, je vous souhaite un bon réveillon de Noël et de très bonnes fêtes de fin d'année.

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Bonjour Apprenti,

Vous avez parfaitement raison, l'aléa judiciaire est une réalité. C'est pour cela qu'un avocat ne peut jamais garantir un résultat. Cela s'explique pour les questions de fait, par l'existence de l'appréciation souveraine et, pour les questions de droit, par le rôle créateur du droit de la Cour de cassation.

Est-ce une mauvaise chose ? Pas nécessairement.
Pour les questions de droit, le principe est qu'un texte s'interprête de manière littérale, et parfois pour des motifs d'opportunité la Cour de cassation utilise un autre mode d'interprétation. Par exemple, elle avait interprété a contrario certains articles de l'ancienne législation sur la filiation afin d'ouvrir plus largement l'action en recherche de paternité.
Il existe un adage, " summum jus summa injuria " ( approximativement : le droit poussé à son plus haut point entraine les plus grande injustices ). Les Hauts juges prennent en compte parfois des considérations d'équité pour éviter les effets dévastateur d'une application trop rigoureuse de la loi. C'est une pratique plutôt rare ( et c'est tant mieux ) mais il est important que cette possibilité existe.

Surtout, il ne faut pas oublier que les juges ne se prononcent que sur ce qui leur est demandé et au vu des arguments des parties. Voilà pourquoi 2 situations identiques peuvent donner 2 résultats différents. L'issue du litige dépend aussi de la qualité de l'avocat.



L'utilisation de la formule " peut recevoir " (alinéa 2 ) s'explique à mon sens car l'article 270 alinéa 3 prévoit les cas où l'époux n'est pas tenu de verser une prestation compensatoire. Le " peut recevoir " signifie seulement, à mon sens, qu'il n'y a rien d'automatique à l'attribution d'une prestation compensatoire.

Pour la preuve des besoins, les juges du fond utiliseront leur pouvoir d'appréciation souverain. Difficile de dire à l'avance ce qui pourra emporter leur conviction.

Pour autant, devant les juges du fond, c'est bien un moyen opérant de contester l'évaluation faite par votre adversaire, en invoquant un défaut de preuve. Il n'en demeure pas moins que c'est difficile de tout justifier, comment évaluer financièrement 20 ans de vie commune ?
En outre, il faut savoir qu'un juge est lié par les demandes. Cela signifie que si un plaideur demande 50 000 euros de prestation compensatoire, le juge peut ne rien attribuer, peut attribué 30 000 mais pas 51 000. Un juge peut toujours accorder moins que ce qui est demandé mais jamais plus ( c'est valable pour toutes les sortes de demandes ). Les avocats le savent et c'est pour cela qu'ils demandent toujours beaucoup plus que ce qu'il compte obtenir, il vaut mieux demander plus que pas assez. D'où la nécessité pour vous de contester cette évaluation.

Devant la Cour de cassation, vous ne pouvez pas utiliser le même argument. En effet ce serait lui soumettre une question de fait qui est de la compétence des juges du fond. Ce serait un argument inopérant.
En réalité, dans ce cas là il faut ruser. Invoquer un motif de fait aboutira inévitablement au rejet du pourvoi. Toutefois, tout motif de droit à une incidence indirecte sur le fait. Il faut donc trouver un motif de droit prétexte pour remettre en cause l'appréciation des faits ( encore une fois, tout est dans la nuance et dans la manière de rédiger le pourvoi ).
Il faut bien comprendre que si les juges du fond dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation, ce n'est pas un pouvoir discretionnaire. Cela signifie que leur décision doit être motivée. La cour de cassation ne contrôle pas la pertinance de la motivation mais seulement son existence.
On peut, par exemple, invoquer le "défaut de réponse à conclusion" si les juges d'appels n'ont pas répondu à vos moyens opérant sur l'évaluation de la prestation compensatoire. C'est un manière d'obtenir la cassation de l'arrêt sur ce point et donc de remmettre indirectement en cause l'évaluation de la prestation compensatoire.


Très bonnes fêtes de fin d'année à vous.

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Bonsoir Ravenhs,

Une nouvelle fois, un grand merci pour la clarté de vos propos et votre patience pour expliquer au novice les tours et détours du droit français. C’est effectivement complexe mais quel plaisir lorsqu’un spécialiste prend la peine de vous expliquer pas à pas et de se mettre à votre niveau …

Dans votre dernière réponse, vous écrivez, je vous cite, : « Pour la preuve des besoins, les juges du fond utiliseront leur pouvoir d'appréciation souverain. Difficile de dire à l'avance ce qui pourra emporter leur conviction.. »

Est-ce que je dois sous-entendre par là que la partie demanderesse peut, à la limite, se contenter de demander une prestation de X… euros, sans justificatif aucun, un peu comme un enfant envoie sa lettre de cadeaux au père Noël ?
Le juge peut-il se contenter (« appréciation souveraine ») de cette demande brute et à l’emporte-pièce ? Je pensais qu’il avait quand même besoin d’un minimum d’arguments de la partie demanderesse pour se faire son opinion et ensuite apprécier souverainement …

Lorsque je dis « minimum d’arguments », j’entends par là : est-ce que le juge n’a pas besoin de savoir pourquoi ce montant plutôt qu’un autre et quelle méthode de calcul ou d’évaluation a été utilisée ?

Excusez-moi d’insister sur ce détail mais j’entends tellement parler de demandes de prestations sans que jamais on ne se pose la question du pourquoi et du comment de l’évaluation ….

Par ailleurs, lorsque vous écrivez, je vous cite, « comment évaluer financièrement 20 ans de vie commune ? », je ne parviens pas à voir pourquoi faire référence à ces 20 années de vie commune dans l’évaluation du montant d’une prestation puisque, si j’ai bien compris les art 270 et 271, le but de la prestation n’est pas de réparer une faute ou un passif mais seulement de compenser une disparité économique existant au jour J du jugement….

Encore une fois, merci beaucoup de votre patience et de votre amabilité dans vos réponses. Je vais m’absenter quelques jours et ne pourrais donc vous solliciter de suite mais, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je posterai de nouveaux messages sur cette question dès mon retour.

D’ici là, et avec toute ma reconnaissance et ma gratitude, permettez-moi de vous souhaiter une très bonne nouvelle année.