Refus d'un changement des conditions de travail

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Bonjour,


Je me permets de vous contacter car je souhaiterais solliciter votre aide concernant un problème dans mon emploi actuel.

La situation est la suivante:

Mon entreprise vient de nous remettre une lettre nous informant de leur décision de transferer le siège social.
Je précise que ce nouveau lieu de travail se situe à 9 km de mon lieu de travail actuel, ( les conditions pour s'y rendre sont cependant beaucoup plus contraignantes(...)De même qu'il y a changement de département, du 93, je passe au département 95.

Je ne souhaite pas suivre , j'aimerais savoir quels sont mes recours face à cette situation?

Je pensais que mon refus occasionnerait un licenciement pour cause réelles et sérieuse, ce qui engendrerait un droit à indemnité de préavis, congés payés sur préavis, et indemnités de licenciement)...ou au pire un licenciement pour faute grave ( privative d'indemnités de licenciement et de préavis ).

Cependant face à cette situation, mon employeur parle de démission...

Est-ce légal ?

Puis-je prétendre à un licenciement ?
Si oui lequel ?
Que faire en cas de contestation de mon employeur ?
Quel est le délai de la procédure de licenciement ( sachant que les employés doivent donner leurs réponses au plus tard le 30 aout 2007, et que le lieu de travail sera modifié à compter du 30 octobre 2007 ) ?

Je précise par ailleurs, que l'acceptation ou le refus se feront par signature datée...(cette signature peut-elle avoir des conséquences sur le licenciement? Je crains que mon employeur se serve de cette signature en cas de refus de ma part , comme preuve de démission.

Voilà les questions pour lesquelles je sollicite votre aide précieuse.

Je vous remercie

Cordialement Dernière modification : 26/08/2007

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4/ Modifications du lieu de travail :

Sauf en cas de clause de mobilité, ou de fonction itinérante, ou encore en cas de mutation dans la " même région géographique ", un salarié est en principe parfaitement en droit de refuser une modification de son lieu de travail.

Il en irait également ainsi en cas de transfert d’un salarié d’une société à une autre, même si celles-ci sont dirigées par les mêmes personnes et si les salaire et fonction de l’employé restent inchangés (Cour de cassation, 5 mai 2004).

Il en va aussi autrement si une clause de mobilité a été insérée dans le contrat de travail, si la clause est mise en œuvre de bonne foi par l’employeur (ce qui ne serait pas le cas s’il est démontré une " précipitation abusive " de l’employeur - Cour de cassation, 11 mai 2005 ; d’autre part, des circonstances particulières - femme ayant un enfant handicapé par exemple - peuvent permettre d’écarter l’application de la clause - Cour de cassation, 6 février 2001).

Il en va également différemment si les fonctions du salarié supposent, par nature, une certaine mobilité quotidienne (V.R.P., etc ...) ou au moins régulière de sa part (déplacements sur des chantiers, etc ...).

Enfin, une mutation dans la même région ne peut être refusée.

Mais qu’est-ce que la même " région ", le même " secteur géographique " ou le même " bassin d’emploi " ? Tout dépend des circonstances (nombre de kilomètres, temps et facilités de transport...).

Selon des cas jugés, il n’y aurait pas de modification du contrat de travail (ce qui justifierait un licenciement en cas de refus du salarié), en cas de déplacement du lieu de travail :

de Saint-Nazaire (ville) à la banlieue de Saint-Nazaire (Cr de cassation.16 juillet 1997),
de Paris à une commune du Val d’Oise (95)(Cr de cassation, 2 avril 1998),
de Malakoff (92) à Courbevoie (92) (Cour d’Appel de Versailles, 28 novembre 1995),
de Paris à Créteil (93)(Cour de cassation, 25 mars 1998),
de Lisieux à Orbec (20 km)(Cour de cassation, 5 juin 2002).

Au contraire, selon des décisions réelles, il y aurait une modification du contrat de travail (ce qui ne justifierait un licenciement en cas de refus du salarié que si la modification du lieu de travail était indispensable pour l’entreprise), en cas de déplacement du lieu de travail :

de Versailles (78) à Chartres (28)(Cour de cassation, 1er juillet 1998),
de Amiens (80) à Saint Quentin (02)(Cour de cassation, 5 mars 1998),
de Epinal (88) à Metz (57) (140 km - Cour de cassation, 28 septembre 2005),
de Paris à Roissy (95) (Cour de cassation, 6 mai 2002).

II/ Les conséquences d’un refus du salarié :
A/ En cas de modification des conditions de travail :

Le salarié doit accepter les éventuelles modifications de ses conditions de travail, même si elles lui paraissent injustifiées à ses yeux, sauf situation de harcèlement ou mesures discriminatoires.

A défaut, il peut éventuellement être licencié pour faute grave pour insubordination en respectant la procédure de licenciement habituelle (la faute grave est néanmoins parfois écartée - ex : Cour de cassation, 23 février 2005 n° 03-42.018, sur un refus de changement de ligne d’un chauffeur poids lourds, par exemple si le salarié a une grande ancienneté - Cour de cassation, 17 octobre 2000 et 5 juin 2002).

Dans tous les cas, le licenciement est justifié, sauf précipitation (exs : Cour de cassation, 18 septembre 2002 et deux arrêts du 3 novembre 2004) ou mauvaise foi démontrée de la part de l’employeur (ex : clause de mobilité invoquée par l’employeur pour des " raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise " ; Cour de cassation, 23 février 2005, n° 04-45.463 au sujet d’un refus de déplacement du lieu de travail de Soissons à Saint-Quentin).

B/ En cas de modification du contrat de travail :

Tout salarié peut refuser une modification de son contrat de travail.

Il dispose d’ailleurs d’un délai minimal de réflexion d’un mois à compter de la lettre recommandée avec accusé de réception de l’employeur pour accepter ou refuser la modification.

Mais le refus, s’il n’est pas légitime, c’est-à-dire si la proposition de modification du contrat était justifiée par un motif économique (ex : délocalisation économiquement fondée ou modification du contrat d’un ingénieur commercial " en raison de la situation économique catastrophique de l’entreprise " ; Cour de cassation, 31 mai 2005) ou disciplinaire (ex : mutation-sanction), peut conduire l’employeur à licencier le salarié (le cas échéant pour faute grave lorsque le refus est particulièrement injustifié).

La procédure de licenciement sera à cet égard différente suivant que l’origine de la proposition de modification du contrat de travail (qui a été refusée) est ou non économique. Il conviendra de s’entourer d’un conseil à ce sujet.

Par contre, même s’il ne veut plus travailler, le salarié ne peut être considéré comme démissionnaire, sauf évidemment en cas de démission actée de façon expresse.

Donc, si le salarié n’est pas licencié, le contrat de travail continue à produire ses effets aux conditions antérieures (lieu de travail, etc ...) et le salaire doit être versé.

Ainsi, rien n’est anodin dès que la modification d’un contrat de travail est " en jeu ", même pour l’employeur.

Auteur : Vincent COLLIER

Avocat au Barreau de Paris