Article 1583 du code civil

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Article 1583 du code civil
Elle [la vente] est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.


Je viens de voir un reportage dans "complément d'enquête" sur France 2 qui évoque cet article dont je ne comprends pas très bien la signification.

Par "parfaite" faut-il bien entendre que la vente est réputée conclue ?

Et si l'acheteur devient de droit le propriétaire du bien sur la nature et le prix duquel il s'est mis d'accord avec le vendeur avant même qu'il ait eu à régler le montant de la vente, ne risque-t-on pas de voir tel escroc devenir légalement le propriétaire d'un immeuble, par exemple, sans jamais avoir à en payer le prix ? Pourquoi payer un bien dont on est le propriétaire légal ?

A en croire ce reportage, ce type d'escroquerie semble avoir cours ; le margoulin admet renoncer à son titre de propriété et prétend épargner au vendeur une procédure longue et coûteuse moyennant un dédommagement financier.

S'agit-il d'une véritable faille d'un texte pourtant ancien ou de l'interprétation littérale fautive d'une disposition de la loi ?

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Les biens sont-ils une partie du droit si austère que personne ne semble vouloir s'intéresser à me répondre ? Ou ma question est-elle si sotte ?

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En réponse à ta question et à ta remarque amicale sur un autre post, je te confirme que cet article est à interpréter au sens 1er : la vente est conclue par le simple échange de consentement sur la chose et le prix. D'ailleurs, cette règle est valable pour quasiment tous les contrats, sauf certains cas prévus par le code de la consommation entre autre.

Toutefois, ce texte concerne essentiellement la formation du contrat, et non son exécution. La formation de la vente a pour effet de transférer immédiatement la propriété du bien mais il reste encore à exécuter les obligations découlant de cette vente.
L'article 1650 du code civl prévoit que "la principale obligation de l'acheteur est de payer le prix au jour et lieu réglés par la vente" étant précisé que l'article suivant s'empresse d'ajouter que "s'il n'a rien été réglé à cet égard lors de la vente, l'acheteur doit payer au lieu et dans le temps où doit se faire la délivrance" (en matière immobilière, la délivrance s'entend généralement de la remise des clés).
En d'autres termes, le transfert de propriété a pour effet immédiat de créer cette obligation de paiement sur l'acheteur à l'égard du vendeur.
Aussi, il s'agit bien de payer pour un bien dont on est déjà propriétaire, ce qui s'analyse plutôt comme la contrepartie du transfert de propriété.

D'ailleurs, l'article 1654 dispose que "si l'acheteur ne paye pas le prix, le vendeur peut demander la résolution de la vente", étant entendu que cette résolution aura pour effet que le vendeur redevienne le propriétaire du bien vendu et non payé.
Bien plus, "La résolution de la vente d'immeubles est prononcée de suite si le vendeur est en danger de perdre la chose et le prix" (Article 1655).
Par ailleurs, la résolution de la vente par la faute de l'acquéreur ouvre droit à une action en dommages et intérêts pour les préjudices subis par le vendeur du fait de cette résolution (Civ. 1, 07/04/1998, a contrario), mais également en cas de dépréciation du bien due à son usage hors vétusté (Civ. 1, 06/07/2000).
Enfin, les frais de procédure sont à la charge de la partie perdante (Article 695 à 700 du code de procédure civile), même si tous les frais ne sont pas toujours couverts par la condamnation du tribunal.

Certes, une action judiciaire demande toujours un peu d'énergie, mais au final c'est plutôt l'acquéreur malagouin qui a à craindre cette procédure que le vendeur qui a de fortes chances d'obtenir bien plus que ce qu'il pensait perdre au départ :)

Ces "escrocs" jouent à la fois sur la méconnaissance des citoyens de leur droit, ce qui laisse présager de beaux jours à des sites comme celui ci, et sur leur appréhension assez négative d'une procédure.
Pourtant, un tribunal n'a rien d'extraordinaire et reste le lieu où la justice est rendue. Rare sont les véritables cas où le tribunal est à craindre.

En tout cas, pour en revenir à ce que semblait décrire complément d'enquête (et que je n'ai pas vu), les personnes qui ne payent pas les sommes qu'ils doivent au titre d'une vente immobilière ne seront pas les premiers mauvais payeurs que la loi et les tribunaux se font un plaisir de condamner, simplement mais efficacement.
D'ailleurs, je me permet d'effacer un peu du sensationnel de ce reportage que tu décris en disant qu'un impayé même mal justifié n'est pas une escroquerie, sinon, nous serions nombreux à finir derrière les barreaux....

Amicalement.

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"Le législateur ne doit pas frapper sans avertir: sinon la loi, contre son objet essentiel, ne se proposerait pas de rendre les hommes meilleurs, mais seulement de les rendre plus malheureux" Portalis


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Merci de votre réponse limpide et très complète.

Je pense qu'en l'espèce évoquée dans le reportage, l'escroquerie pouvait être établie. Le margoulin, contacté par le journaliste, témoignait d'une mauvaise foi évidente, l'intention coupable était assez aisée à démontrer.

De surcroît, cet individu semblait s'être fait une spécialité de ce genre d'argutie et autres tromperies à la petite semaine. La difficulté pour les victimes, c'est qu'elles ne semblaient pas avoir trouvé de conseils avisés ni d'enquêteurs motivés par leurs déconvenues et pour les enquêteurs de mettre la main sur un individu très mobile, aux multiples adresses dont la principale en Suisse.

Il est sûrement plus facile pour un journaliste de suivre un escroc à la trace pour les besoins d'un reportage que pour un enquêteur assigné à une circonscription d'obtenir d'un faux mauvais payeur qu'il défère aux convocations. Le journaliste n'a qu'un reportage à boucler à la fois tandis qu'un enquêteur gendarme, policier ou juge d'instruction, plusieurs dizaines de dossiers à traiter dans le même temps.