Différence légale France-Suisse : manager un salon érotique

Publié par

Bonjour à toutes et à tous.

Je m'excuse d'avance pour la mauvaise utilisation du vocable juridique, le droit étant ma bête noire pour de nombreuses raisons.

Ma problématique regroupe un ensemble d'éléments de différents domaines. Aussi m'est-il difficile de choisir le bon sous-forum. Il y a des éléments liés au droit pénal et des éléments liés au droit financier. Selon les réponses apportées à la première partie, je reposerais peut-être la seconde dans la bon sous-forum.

J'ai pour projet de devenir le manager d'un salon érotique (maison close) en Suisse. Dans le cadre juridique français, cette activité relève du proxénétisme et est donc illégale. En revanche, plus intelligente et ouverte d'esprit à mes yeux (mais cela est un autre débat), la Suisse (ainsi que la Belgique, l'Allemagne...) considère cette activité comme légale, du moment qu'aucune des personnes n'est forcée / contrainte à exercer la prostitution (chose normale) et qu'elles aient accomplis les différentes démarches auprès de la brigade des mœurs.

Première partie : le cadre juridique suite à un retour en France

Que se passe-t-il lorsque l'on pratique une activité légale dans un pays mais illégale en France ?

Si je retourne en France, en ayant cette activité cantonnée en Suisse, suis-je passible d'être accusé de proxénétisme ?

Pratiquer cette activité a-t-elle pour conséquence de me voir "banni" de France sous peine de recevoir une peine de prison ?

Si je quitte cette activité et retourne en France, y'a-t-il toujours des charges possibles ?


Deuxième partie : les revenus liés à cette activité

De mes propres recherches, il apparait que les nombreuses prostitués Françaises exerçant en Suisse sont obligées de garder leur argent là-bas. Le rappatriement de celui-ci n'est pas possible car elles ne peuvent semble-t-il pas justifier ce revenu. Pourtant, la prostitution est légale en France (hors racollage). C'est le proxénétisme et la consommation de ce service qui est pénalisé. Pourrais-je avoir des précisions quant à ce sujet ?

Peut-être cela dépend-il des réponses précédentes, mais comme personne vivant de la prostitution (manager ou prostitué(e)), est-il possible de rapatrier l'argent gagner sur un compte français ? et si oui par quelle démarche ?

Est-il possible de déclarer des avoirs en Suisse venant de cette activité pour être en conformité avec la juridiction fiscale française ?


Je vous remercie des réponses que vous pourrez m'apporter.

Bien à vous

Publié par
citoyenalpha Modérateur

Bonjour

le cadre juridique suite à un retour en France :

Pour les délits, l’application de la loi française est soumise à plusieurs conditions :

- La réciprocité d’incrimination est exigée : il faut donc que ces faits soient punis dans le pays étranger où l’infraction a été commise(article L 113-6 du Code pénal) ;

Attention si une victime française porte plainte dans ce cas les poursuites par le ministère public sont possible.

les revenus liés à l'activité

pour les prostitués le rapatriement de leur revenu est possible. Elles ne le font pas tout simplement pour ne pas à avoir à les déclarer et donc perdre des avantages fiscaux et/ou sociaux

le FISC n'est pas la police il est possible de déclarer des revenus à l'étranger même si l'activité est illégale en France tant qu'elle est légale dans le pays concerné et non soumise à des conditions internationales

Restant à votre disposition

Publié par

Bonjour et merci de votre réponse, Citoyenalpha.

Par un exercice de synthèse et de reformulation, je vais vérifier si j'ai bien compris :

- si l'activité est légale en pays étranger mais illégal en France, il n'y a pas de réciprocité d'incrimination. Il faut que l'activité soit illégale dans les deux pays.

- en revanche, si un individu porte plainte en France, les poursuites sont possibles.

- néanmoins, dans le cadre de cette activité commerciale légale en Suisse, peut-il réellement y avoir une "victime" ? Les hôtesses sont des indépendantes déclarées à la brigade des mœurs, et libres d'agir comme bon leur semble.

- ne pas déclarer ses revenus, peu importe leur source, relève donc de l'évasion fiscal (si je ne me trompe pas de terme), et ne porte en aucun cas sur la légalité ou non de cette source.

Je vous remercie de l'éclairage que vous m'avez apporté, en espérant avoir saisi l'ensemble.

Bien à vous

Publié par

Bonjour,

Attention aux lectures hâtives du Code pénal ! La réponse n'est pas aussi simple !

Avant de répondre à ces questions, il convient de poser la question essentielle à Drekenof : de quelle nationalité êtes-vous ? Etes-vous français ?

La compétence des juridictions pénales françaises dépend en effet, pour partie, de cette réponse.


Citoyenalpha vous a donné de bons éléments de réponse. Toutefois, ce qu'il vous a présenté n'est vrai que pour les délits comme il le spécifie expressément !

Réponse de Citoyenalpha :
"Pour les délits, l’application de la loi française est soumise à plusieurs conditions :

- La réciprocité d’incrimination est exigée: il faut donc que ces faits soient punis dans le pays étranger où l’infraction a été commise (article L 113-6 du Code pénal)"

Or, le proxénitisme peut tout à fait devenir un crime dans les cas suivants :

Article 225-7-1
Modifié par Loi 2003-239 2003-03-18 art. 50 1° JORF 19 mars 2003

Le proxénétisme est puni de quinze ans de réclusion criminelle et de 3 000 000 euros d'amende lorsqu'il est commis à l'égard d'un mineur de quinze ans.

Article 225-8
Modifié par Loi 2003-239 2003-03-18 art. 50 1° JORF 19 mars 2003

Le proxénétisme prévu à l'article 225-7 est puni de vingt ans de réclusion criminelle et de 3 000 000 euros d'amende lorsqu'il est commis en bande organisée.

Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables à l'infraction prévue par le présent article.

Article 225-9
Modifié par Loi 2003-239 2003-03-18 art. 50 1° JORF 19 mars 2003

Le proxénétisme commis en recourant à des tortures ou des actes de barbarie est puni de la réclusion criminelle à perpétuité et de 4 500 000 euros d'amende.

Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables à l'infraction prévue au présent article.

Article 132-71
Modifié par Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 - art. 12 JORF 10 mars 2004

Constitue une bande organisée au sens de la loi tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions.

1) Selon moi, l'ouverture d'une maison close suisse peut donc largement tomber dans la définition légale de "bande organisée"... ce qui signifie que ce type d'activité deviendrait un crime au regard du droit français.

Dès lors, la condition de réciprocité d'incrimination tombe complètement (puisque nous sommes dans le cas prévu par l'alinéa 1 de l'article 113-6 du Code pénal) ! Dès lors, la personne de nationalité française qui contribue à cette activité pourrait tout à fait faire l'objet de poursuites pénales en France, peu importe que la Suisse incrimine l'activité ou non !

2) Par ailleurs, lorsqu'on est en présence d'un "simple" délit de proxénitisme, la condition de réciprocité ne joue pas non plus lorsque la victime est de nationalité française (article 113-7 du Code pénal). La poursuite ne peut néanmoins être exercée qu’à la requête du ministère public qui appréciera l’opportunité d’engager une procédure pénale en France. Celle-ci doit être précédée d’une plainte de la victime ou de ses ayants droit ou d’une dénonciation officielle par l’autorité du pays où le fait a été commis ; peu importe alors que la plainte ait été déposée en France ou à l’étranger dès lors qu’elle a été transmise aux autorités françaises.


Dans le cadre de cette activité commerciale légale en Suisse, peut-il réellement y avoir une "victime" ? Les hôtesses sont des indépendantes déclarées à la brigade des mœurs, et libres d'agir comme bon leur semble.
Il n'y aura victime que si une prostituée de nationalité française porte plainte contre vous pour proxénitisme... le risque existe, peu importe qu'elle ait fait le choix de se déclarer à la brigade des moeurs ou non. C'est le ministère public qui décidera si oui ou non l'infraction est constituée ; cela relève de son appréciation.

__________________________
Sous toutes réserves.
Cordialement.


Publié par

A mon avis un client éventuellement lésé (blessé ou ???) au cours de ces activités peut rechercher la responsabilité civile telle que décrite dans le code civil art.1384 et demander réparation.

__________________________
Amicalement
De toutes façons je suis ataraxique.


Publié par

Bonjour Juriste 74,

Merci de cette réponse pour le moins étoffée.

Pour vous répondre, oui je suis de nationalité française.

Je suis convaincu que le système français, basé sur le modèle Suédois de répression de la prostitution, est le plus mauvais qui existe.

Les lois de certains pays frontaliers sont bien plus efficaces en matière de lutte contre la traite d'être humain, notamment en permettant aux postituéEs (écriture en conformité avec le STRASS) d'être des travailleurs/euses indépendant(e)s et de bénéficier d'aides extérieures, du moment qu'il n'y a ni contrainte ni abus.

Cependant, malgré un droit à mon goût encrassé et arriéré, j'aime la France et la transparence, et je souhaitais éviter tous conflits juridiques.

Pourtant, votre réponse me laisse dubitatif sur cette liberté d'entreprendre envisagée dans ma précédente réponse.


Après recherche, dans le cadre d'une maison close, cet article peut également s'appliquer :


Article 225-10
[...]
Est puni de dix ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende le fait, par quiconque, agissant directement ou par personne interposée :

1° De détenir, gérer, exploiter, diriger, faire fonctionner, financer ou contribuer à financer un établissement de prostitution ;

2° Détenant, gérant, exploitant, dirigeant, faisant fonctionner, finançant ou contribuant à financer un établissement quelconque ouvert au public ou utilisé par le public, d'accepter ou de tolérer habituellement qu'une ou plusieurs personnes se livrent à la prostitution à l'intérieur de l'établissement ou de ses annexes ou y recherchent des clients en vue de la prostitution ;

3° De vendre ou de tenir à la disposition d'une ou de plusieurs personnes des locaux ou emplacements non utilisés par le public, en sachant qu'elles s'y livreront à la prostitution ;

4° De vendre, de louer ou de tenir à la disposition, de quelque manière que ce soit, d'une ou plusieurs personnes, des véhicules de toute nature en sachant qu'elles s'y livreront à la prostitution.

Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables aux infractions prévues par les 1° et 2° du présent article.


Donc si je comprends bien :

- à partir du moment où une activité de maison close est exercée / ou a été exercée dans un pays étranger, le gérant de nationalité française est condamnable s'il revient en France, que ce soit pour des vacances ou une installation définitive.

S'il revient pour recruter, là je comprends que cela fasse parti du proxénétisme puni par le droit français.


***********************************************************

Bonjour Moisse et merci de votre réponse.

Comme toute activité commerciale, je serais tenté de dire que si vous êtes blessé dans un magasin, quel qu’il soit, vous êtes en droit de demander des réparations au gérant, car c'est lui qui porte la responsabilité pour le local et ses employés.
Ce qui là encore est d'une grande injustice dans un certain nombre de cas.


Merci de vos réponses, bien à vous.

Publié par

Bonjour,

En droit français, on classe les infractions en trois catégories : contravention, délit (puni de peine d'emprisonnement) et crime (puni de réclusion criminelle).

Le proxénitisme est, au minimum, un délit en France. L'article 225-10 du Code pénal que vous citez est un exemple de textes d'incrimination relatif au proxénitisme délictuel. Mais il y en a toute une rimbambelle (toute la Section 2 du Chapitre V du Titre II du Livre II du Code pénal y est consacrée) !

En France, le simple fait de "d'aider, d'assister ou de protéger la prostitution d'autrui" est passible de sept ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende (proxénétisme délictuel).

En somme, en théorie juridique pure, le simple fait d'héberger chez soi une prostituée pour lui faire éviter le froid de l'hiver peut donc être puni par la loi.


Donc si je comprends bien :

- à partir du moment où une activité de maison close est exercée / ou a été exercée dans un pays étranger, le gérant de nationalité française est condamnable s'il revient en France, que ce soit pour des vacances ou une installation définitive.


Je ne peux que vous confirmer que le risque de poursuites existe, pour un français, qui se livre à l'étranger à des activités rentrant dans la définition légale du proxénitisme criminel (proxénitisme en bande organisée).

De là à vous dire que des procureurs feront tout pour vous poursuivre, honnêtement, je ne sais pas... rares sont les décisions en la matière... cela s'explique par le fait que les procureurs ne peuvent ordonner des enquêtes sur le sol suisse... et sans preuves de cette activité de "proxénitisme", la poursuite ne sera pas possible.


Pour ce qui concerne le délit de proxénitisme (comme l'article que vous citez sur la gestion d'établissements de prostitution par exemple), la condition de réciprocité d'incrimination est nécessaire... si la Suisse ne condamne pas cette activité, vous ne serez pas poursuivi.

Cependant, en présence d'une plainte de victime de nationalité française, les juridictions françaises regagnent leur compétence et vous pourriez être poursuivi.

En résumé :
- Si les autorités françaises obtiennent des preuves de proxénitisme en bande organisée (plus difficile à réunir) -> c'est un crime -> poursuite possible sans plainte nécessaire ;
- Si les autorités françaises obtiennent des preuves de proxénitisme simple -> c'est un délit -> poursuite impossible sans réciprocité d'incrimination, SAUF en cas de plainte d'une française.

Le risque est donc bien là !

J'ajoute que la Confédération helvétique ne fait que tolérer l'activité de maison close, mais attention aux débordements de ce genre d'activité... car des débordements sont punissables :

Art. 195 du Code pénal suisse
Celui qui aura poussé une personne mineure à la prostitution,
celui qui, profitant d’un rapport de dépendance ou dans le but de tirer un avantage patrimonial, aura poussé autrui à se prostituer,
celui qui aura porté atteinte à la liberté d’action d’une personne s’adonnant à la prostitution en la surveillant dans ses activités ou en lui en imposant l’endroit, l’heure, la fréquence ou d’autres conditions,
celui qui aura maintenu une personne dans la prostitution,
sera puni d’une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d’une peine pécuniaire.



En tant que français, vous restez soumis à la loi française, peu importe où que vous soyez dans le monde ; contrairement à un étranger, qui lui, ne sera soumis à la loi française que lorsqu'il sera sur le territoire national ou entrera en relation avec un français. Voilà la logique !

Pour des exemples de décisions :
- Cour de cassation, chambre criminelle, 12 octobre 2011, n°10-85922 ;
- Cour de cassation, chambre criminelle, 9 novembre 2011, n°05-87745 et 09-86381.

__________________________
Sous toutes réserves.
Cordialement.


Publié par

Bonjour Juriste74

En somme, à partir du moment où cette profession est exercée, il y aura un risque à revenir à France, et ce jusqu'à ce qu'il y ait prescription.

Concernant l'Art. 195 du Code pénal suisse, ce sont là des choses évidentes à mon sens.

Cela me laisse matière à réflexion.

Merci pour ces éléments de réponse.

Bien à vous.